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Vipassana, mon expérience du silence

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Vipassana, 10 jours qui changent une vie

Avant de commencer :

Avant de vous laisser plonger dans cet article, je souhaite juste vous rappeler qu’aucun stylo, carnet, livre, téléphone ou tout autre moyen de prendre des notes est autorisé lors de la retraite de Vipassana. J’ai écris tout cela après coup. Il peut donc y avoir quelques approximations, et beaucoup d’oublis ou d’impasses. Et puis, gardez bien à l’esprit que c’est une expérience très personnelle, et qu’aucun d’entre nous ne peux la vivre de la même façon. C’est donc juste un témoignage, à prendre avec des pincettes car cette expérience est unique et différente pour chaque personne qui l’expérimente. Je vous propose donc cet article  » vipassana, mon expérience du silence ». Bonne lecture 🙂

Pourquoi j’ai choisi de faire cette retraite?
 

La première fois que j’ai entendu parler de Vipassana, c’était il y a environ 3 ans. 3 personnes de mon entourage m’en ont parlé en un laps de temps très court. Curieuse, je leur ai demandé des détails et je me suis alors dit « Mon dieu, 10 jours sans dire un mot, je ne serai jamais capable de faire cela de toute ma vie », et puis aussi « mais ça pourrait être un sacré défi pour la pipelette que je suis ». Et puis le temps a passé…

 

En arrivant en Inde, j’avais déjà plein d’envies qui faisaient s’allonger ma « to do list » : faire un 200 H de yoga teacher training, faire une cure ayurvedique, apprendre le bharatanatyam, sans parler de tous les lieux à visiter, à découvrir…
Etant bien consciente que je ne pourrais pas tout faire, j’ai alors essayé d’établir un ordre, de faire le tri dans mes priorités.

C’est alors que les témoignages d’Angélique, de Samé et de Noémie me sont revenus. Leurs retraites respectives, ce que vipassana leur avait offert…Je me suis alors dit, qu’il était temps.

Pour éviter que cet éclair de génie ne se transforme en un énième souhait jamais matérialisé, dix minutes plus tard, j’étais déjà sur le site internet de « dhamma.org » en charge des retraites dans le monde entier. Je savais bien que si je ne m’engageais pas rapidement, je me trouverai mille excuses à la minutes pour me dérober et refaire tomber vipassana dans l’oubli des méandres de mon cerveau.

Au fond, je savais que c’était exactement ce dont j’avais besoin, même si la peur de cette expérience était énorme. J’ai donc regardé la carte des différents centres à proximité de Pondichéry, où je me trouvais, ainsi que les dates disponibles. Il fallait que ce soit le plus rapidement possible, afin que je n’ai pas le temps de changer d’avis ou encore de ruminer et de m’en faire une montagne, ce qui rendrait l’expérience encore plus pénible.

Bingo, en moins de 5 minutes de navigation, j’en trouve une : en anglais et tamoul ( pas si courant l’anglais en ces temps de COVID) et dans moins d’un mois. C’est parti, je me jette à l’eau et je lance l’inscription.

En route !

Le Tamil Nadu est sublime, il y a du relief, la végétation est différente ici, il y a beaucoup de singes aussi au bord de la route. Je rêvasse en regardant les rizières, en traversant les villages remplis de couleurs, de visages souriants, d’odeurs d’épices et de temples flamboyants. J’oublie presque la destination, je me laisse surprendre par les images et les scènes de quotidien captés à la volée… Mais la voiture se stoppe.

Ok, ça y’est j’y suis. Le chauffeur vient de me déposer après trois heures de route.

Je suis au milieu de nul part, et je passe le grand portail couleur terre… personne, le lieu est désert. J’attends un petit peu, et quelqu’un finit par arriver. Je suis la deuxième méditante arrivée, on me dit d’aller me reposer dans ma chambre et de revenir à l’accueil pour 12.30.

Je découvre alors ma chambre. Sommaire mais agréable. Un lit fait d’une plaque en ferraille, recouvert d’un tout fin futon, à peine l’épaisseur d’une phalange, une salle de bain avec des vraies wc et un simple robinet en guise de douche. C’est simple mais je m’y sens bien.
Je m’allonge sur le lit, c’est un peu dur, mais heureusement il y a un oreiller, pas de couverture par contre, heureusement j’ai pris mon châle jaune.

Je fixe le plafond, c’est enfin l’heure.
Je me rends à l’accueil, on me pose alors des questions sur la raison de ma présence. J’explique brièvement mon histoire, et je réponds deux choses à la question « qu’est ce que vous attendez de Vipassana ? » « apprendre à mieux me connaitre et ne plus réagir à mes émotions ». Ce à quoi l’on me réponds : ok, c’est parfait, bonne retraite.

Je retourne dans ma chambre, puis l’on frappe à ma porte « valuables collection », ça y’est c’est le moment de donner mon passeport, mon argent et surtout mon téléphone. A dans 10 jours !

Ensuite, les deux anciennes élèves qui nous servent de chaperonnes et de guides nous expliquent les règles et nous font faire le tour du propriétaire en nous indiquant les endroits interdits et ceux où nous sommes autorisés à déambuler. Au final, l’espace de promenade est assez réduit, contrairement au « male quarters ». Et puis on nous indique que nous avons encore le droit à la parole pendant une heure ou deux, après quoi nous devrons nous en remettre au noble silence pendant dix jours. A ce moment là, je suis persuadée que de ne pas parler est le plus gros de mes défis, comme j’ai tort, c’est surement maintenant avec le recul ce qu’il y a de plus facile !

Après le gouter, je me balade un peu, je contemple avec intérêt les différentes fleurs qui ornent les allées de promenades, c’est naturel, abondant et coloré, j’aime beaucoup. Il y a des pervenche de Madagascar, plusieurs frangipaniers, des hibiscus, voilà en tout cas les espèces que j’ai pu identifier. Il y a aussi beaucoup de bourdons, de lézards… J’observe le moindre détails de cette nature luxuriante qui m’entoure dans un calme qui me change du bruit constant de toutes les villes indiennes que j’ai pu visiter. Je lève les yeux au ciel en direction du sommet de la pagode : quel joli bâtiment, avec une forme fascinante. Mes yeux sont captivés par l’énorme cristal de roche au sommet de l’édifice, qui jouxte un paratonnerre, quand mon attention est attiré quelques mètres plus bas. Un drôle d’animal au grand yeux ronds m’observe ! Une chouette me toise du haut de son perchoir spirituel. Un animal si rare à observer en Bretagne, c’est bête mais je suis émue. Elle est magnifique, et paisible. Je fais quelques pas tranquille vers l’avant et j’en découvre une seconde, légèrement différente, perchée elle aussi à quelques mètres de la première, elles m’observent tout comme je le fais, sans crainte.

Quelle chance ! Je sais que cet animal, emplie de mysticisme va m’aider à vivre ce défi. Je me dis que les voir, peut-être, avant chaque méditation me permettra de ressentir la gratitude et de décupler mes forces afin de tenir toute la méditation durant.

Je croise une autre fille, elle semble avoir mon âge. On échange quelques mots, tant qu’on le peut encore. Elle est professeure de yoga à Bangalore et c’est également son premier Vipassana, elle aussi est un peu anxieuse.

Et puis c’est l’heure. Nous nous rendons toutes dans le Meditation Hall. Nous sommes 8 femmes en tout. De leur côté – les hommes entrent par leur propre aile du bâtiment et ne sont en-dehors des heure de méditation, jamais dans la même pièce que nous. Premier discours et première méditation, ça y’est, le silence total est de rigueur.

pagode retraite vipassana tiruvanamalai

Début des hostilités

Réveil 4h, j’ai bien dormi. Le réveil est facile, j’ai hâte de voir comment la journée va se dérouler. La première méditation commence à 4H30 et se termine deux heures plus tard. Il faut essayer de ne fixer son attention sur rien d’autre que sur notre respiration, sans image, sans visualisation, sans compter et surtout en restant à cet instant présent. Mission impossible. J’ai l’habitude de méditer, mais toujours grâce à un mantra ou à autre chose. Là, c’est proscrit dans cette méthode. J’ai l’impression e repartir de zéro, Il faut juste observer. Et rien d’autre. Mon esprit hyperactif s’envole, il part dans tous les sens, ne s’arrête jamais. Je tiens une voire deux respirations avec ma concentration et ça repart. On nous a expliqué grâce aux instructions enregistrés en audio de S.N. Goenka de ne pas s’énerver, de simplement recommencer dès que l’on réalise que notre esprit s’est échappé. C’est si difficile ! De garder son attention sur la respiration sans subterfuge, mais aussi de ne pas s’énerver à chaque fois que l’on réalise qu’on ne fait plus l’exercice.

Je redoutais les 2h assise en tailleur, pour l’instant ça va, je n’ai mal nul part, et puis on peut encore se gratter le nez, bouger un peu, donc ça va.

Premier repas ensuite, c’est très bon. En revanche, manger face à un mur, en rang d’oignon, ce n’est pas très exaltant. Manger en pleine conscience, ce truc que je suis incapable de faire : habituellement je dois parler, regarder mon téléphone, ou même un film, mais manger sans rien faire d’autre, j’en étais jusqu’alors tout simplement incapable. Là, il n y a pas d’autre option, je m’exécute alors le coeur un peu lourd je l’avoue.

Petit temps de repos, et direction le méditation hall. C’est dans cette grande salle que je vais passer 10 H par jour à méditer, pendant 10 jours dit comme ça ça fait un peu peur.

Chacun d’entre nous dispose d’une place numérotée, avec son coussin bleu légèrement surélevé au niveau des fesses. Si cela ne suffit pas, d’autres petits coussins sont disponibles au fond la salle, je ne les utiliserai qu’à partir du 3ème jour.
Nous sommes tous installé face au professeur de méditation. Lui est sur un siège, en tailleur également, vêtu d’habits blancs immaculés. La bienveillance se lit sur son visage encadré par d’élégantes petites lunettes rondes. Il arrive toujours après nous, et repart toujours avant la fin de la méditation dans la plus grande discrétion, il ne parle jamais en dehors des temps dédiés aux échanges avec lui (uniquement concernant la technique). Ce sont les audios de Goenka qui nous guident au début de certaines méditations. Pendant quelques minutes parfois, sa voix retentit en anglais. Les instructions sont données, nous n’avons plus qu’à nous exécuter.

Après avoir déjà passé 5 h à méditer, il est 11H, l’heure du déjeuner. Les repas sont copieux, et heureusement. Le prochain repas, ou plutôt encas est à 17H. Pour remanger, il faut ensuite attendre le lendemain matin et le petit déjeuner de 6H30.
C’est encore une fois très bon. Il y a du riz brun, du curd Rice au lait de coco, des curry différents et végétariens chaque jour, du rassam ( une soupe indienne) un mélange de légumes et de millet ou de sorgho ainsi qu’une petite douceur ( mais sans sucre raffiné) pour terminer le repas. Ce moment fait du bien, c’est une coupure attendue après tant de temps passé assise en tailleur dans la même pièce.

Petit temps de repos ensuite fort apprécié, et c’est reparti ! Trois temps de méditation s’enchainent ensuite, de 13H à 17H. Puis c’est l’heure du mini gouter. Là, c’est l’herbal tea qui me réchauffe le coeur. Petit répit, c’est le moment que je préfère pour faire quelques pas dans ma journée, il fait moins chaud dehors, et la lumière qui décline est si jolie. Mais en ce premier jour, au lieu d’aller marcher dehors, j’ai plutôt déprimé dans ma chambre avant de retourner au méditation hall pour une dernière heure de méditation complète.

Après, à 19H, c’est l’heure du discours. J’ai pu bénéficier d’un audio avec casque, en français, pour comprendre toute la subtilité de la technique Vipassana, inventée par le Bouddha et restituée telle qu’elle 25 siècles plus tard par S.N. Goenka. Nous étions deux à écouter les discours dans une petite pièce attenante au hall principal. Tandis que j’écoutais en français, ma co-méditante écoutait en hindie le discours.

Dans le hall principal, c’est en tamoul et en anglais qu’il était donné. Après 1h30 de discours, dernière méditation d’une demie-heure, et au lit !

Cette nuit là j’ai terriblement mal dormi. Dans la chambre, toutes les ouvertures étaient munies de moustiquaires mais pas de fenêtres. Le centre Dhamma Arunachala est implanté en pleine campagne, à 20 minutes de la ville sainte de Tiruvannamalai, et autour c’est la jungle! Alors la nuit, c’est tout un monde sonore qui s’offre à nous. Assez effrayant pour ma part. J’ai subi des attaques intempestives de moustiques affamés, sans aucune protection ( Ma lotion était vide ! Bravo Sandra) sans parler des différents bruits qui me semblaient être ceux de serpents, dont j’ai très peur.

Mais peu importe le nombre de cycles de sommeil, la cloche sonne pour tout le monde à la même heure.

4H, debout. Une douche froide, des vêtements propres et direction le hall de méditation pour cette deuxième journée.

Les deux premiers jours sont extrêmement fastidieux. Notre esprit indiscipliné part dans tous les sens et les pensées fugaces qui nous viennent à l’esprit sont pour la plupart dénuées de sens, ridicules et agaçantes. C’est difficile d’y faire face avec le sourire, comme cela nous est demandé. Et pourtant, il faut bien essayer, encore et encore. De toute façon, il n’ y pas d’échappatoire.

Et puis petit à petit, entre les instructions et les discours, la méthode Vipassana commence à faire sens. On commence à comprendre l’objet de ces exercices qui s’apparentent au début à de la torture.
Il est possible de poser des questions, individuellement, au professeur entre 12h et 12h30 ou alors le soir à 21h. C’est ce que j’ai fait pour ma part le deuxième soir. Sa réponse a été tellement claire, et m’a débloqué la suite de mes méditations.

Les explications sur la technique à adopter sont très claires, mais parfois on ressent ou l’on vit des choses déstabilisantes, c’est à ce moment là que c’est intéressant de poser sa question, pour être sûr d’avoir bien compris, et de ne pas faire quelque chose de contre productif.

Le troisième jour, un peu de mieux…

Le troisième jour a été plus facile pour ma part. Les informations mises à notre disposition grâce aux enregistrements sont plus nombreuses. « La réalité », c’est à dire l’instant présent est au centre de nos préoccupations. On comprends que toutes nos pensées sont toujours agréables ou désagréables bien sûr ; mais surtout toujours dans le passé ou dans le futur mais jamais dans le présent. Et c’est cela qu’il faut éviter, mais sans désir ou aversion ( j’explique plus loin).

Je sens les progrès, mon esprit est moins dissipé, de moins en moins de pensées viennent se mettre en travers de mes efforts. Mais tout cela est aléatoire. Car sur les 10H de méditation d’une seule et même journée, il n y a pas une seule heure qui est comparable à une autre. Parfois, ça fait mal à l’épaule, parfois au genou, parfois on se sent bien, parfois on est dissipé par le voisin qui s’est gratté la joue ( au bout d’un moment nos oreilles sont capables de distinguer ce genre de détails. Les sens compensent la perte de la vision momentanée, c’est assez incroyable à vivre), et parfois ça roule tout seul, ça passe vite ( c’est plus rare).

Je commence à accepter tout cela et à me sentir dans un début de zone de confort, quand c’est déjà l’heure de tout déconstruire et de passer à l’étape supérieur.

Le premier jour, on nous avez prévenu « c’est comme une opération chirurgicale de l’esprit » sauf que là tu es à la fois le chirurgien et le patient, et en plus ça dure 10 jours. Chaque jour une étape, chaque étape une couche plus profonde à explorer.

Pour que la technique fonctionne, il faut faire les choses à fond et surtout de la manière exacte dont elles nous sont enseignées.

 
 

Qu’est ce que c’est que cette technique justement ?

Le Bouddha a passé lui – même une partie de sa vie à enseigner Vipassana. Entre son illumination à l’âge de 33 ans et sa mort à l’âge de 80 ans, il a consacré sa vie à aider les gens à se libérer de leur souffrance grâce à cette méthode de purification profonde de l’esprit. Vipassana était alors enseigner en majorité en Inde du Nord et des milliers de personnes la pratiquaient et ont vu leur vie changer. Peu à peu, la technique est quasiment tombée dans l’oubli dans son pays de naissance, mais 2 missionnaires envoyés en Birmanie pour la diffuser ont permis des siècles plus tard de la faire revivre en Inde, sans qu’elle soient altérée. Toujours enseignée et pratiquée en Birmanie, la méthode de méditation Vipassana est ensuite redevenue populaire en Inde grâce à S.N.Goenka. C’est lui qui est a l’origine des centre Dhama comme celui dans lequel j’étais. Il en existe partout dans le monde, même en France. Il s’agit d’une technique qui apprends « l’art de vivre », l’art d’être dans le moment présent et rien d’autre.

Les deux notions qui prédominent tout au long de l’apprentissage sont la loi de l’impermanence et l’équanimité. L’équanimité signifie, que peu importe la sensation, peu importe les événements, on reste d’humeur ou d’âme égale. L’impermanence est là pour nous rappeler que chaque sensation ( douleur sur notre corps par exemple) à la même caractéristique : elle apparait, puis disparait. Tout en va ainsi dans le monde, rien ne dure jamais, tout est changement, alors pourquoi s’en faire puisque tout est destiné à mourir ? Bien-sûr, tout est beaucoup plus complexe que cela et cette technique, pour laquelle il faut minimum dix jours d’apprentissage ne peut pas se résumer en un seul article de blog, mais cela vous permet de vous faire une idée des fondamentaux sur lesquels ses fondations sont posées.

Extrait de l’un des discours de S.N. Goenka à propos de la technique Vipassana :

« Maintenant, avec de l’entraînement, nous pouvons voir l’autre face de la pièce de monnaie. Nous pouvons être conscient de notre respiration et également de ce qui se passe à l’intérieur. Que ce soit la respiration ou les sensations, nous apprenons à juste l’observer sans perdre notre équilibre mental. Nous cessons de réagir et de multiplier notre malheur. Au lieu de cela nous laissons les impuretés se manifester et disparaître. Plus on pratique cette technique, plus rapidement les négativités vont se dissoudre. Progressivement l’esprit devient libre d’impuretés, devient pur. Un esprit pur est toujours plein d’amour, un amour désintéressé pour tous, plein de compassion pour les erreurs et les souffrances d’autrui, plein de joie pour leur succès, leur bonheur, plein d’équanimité en toutes circonstances.

Quand on atteint ce niveau, le schéma tout entier de notre vie change. Il n’est plus possible de faire quoi que ce soit verbalement ou physiquement qui puisse déranger la paix et le bonheur des autres. De plus, un esprit équilibré ne devient pas seulement paisible, mais l’atmosphère environnante aussi s’imprègne de paix et d’harmonie, et commence à toucher les autres, à les aider aussi.
En apprenant à rester équilibré face à tout ce dont on fait l’expérience à l’intérieur, on développe du détachement à l’égard de tout ce qui arrive dans des situations à l’extérieur aussi. Toutefois, ce détachement n’est pas une fuite ou une indifférence à l’égard des problèmes du monde. Ceux qui pratiquent régulièrement Vipassana deviennent plus sensibles aux souffrances d’autrui, et font leur maximum pour soulager les souffrances de toutes les manières qu’ils peuvent. Non pas avec de l’agitation, mais avec un esprit plein d’amour, de compassion et d’équanimité. Ils apprennent la sainte indifférence, comment être pleinement impliqués, pleinement concernés pour aider autrui, tout en maintenant l’équilibre de l’esprit. De cette manière ils demeurent paisibles et heureux, tout en œuvrant à la paix et à l’harmonie des autres. Tel est l’enseignement du Bouddha: un art de vivre »

Jour 4 : début de l’apprentissage de Vipassana

C’est donc après avoir entrainé son esprit pendant 3 jours que nous sommes aptes à recevoir l’apprentissage de Vipassana. Le type de méditation que nous pratiquions depuis le début du stage n’était pas encore Vipassana, mais un moyen de s’y préparer. 

Désormais, nous n’avons ( pendant une heure, voire deux) plus du tout le droit d’ouvrir les yeux, ni de bouger les mains, et encore moins les jambes. Comme vous vous en douter cette journée a été la plus difficile pour moi. « Ne pas bouger pendant une heure ? Mais c’est impossible pour la girouette que je suis ! Et puis si j’ai mal quelque part ? Si j’ai des fourmis dans les jambes, pire si je ne sens plus mes pieds ? Si j’ai une crampe ? Et si un serpent passe près de moi et qu’on a tous les yeux fermés ? »

Vous riez peut-être, mais chaque jour depuis le 3ème jour, je dois passer devant un serpent qui a trouvé refuge dans une des tuiles d’un bâtiment près duquel nous sommes obligé de passer ( passage étroit en plus haha) pour aller méditer. Ma pire phobie. Et forcement, il est à hauteur de notre visage ( sinon ce n’est pas drôle) et parfois lorsque l’on passe, il sort doucement la tête…. Mais petit à petit j’ai dompté ma peur, en appliquant les techniques de méditation. Même chose pour les bêtes qui trouvaient refuge jour et nuit dans ma chambre. J’ai eu le droit à un énorme crapaud ( je n’en avais jamais vu d’aussi gros avant) juste en dessous de ma tête de lit, ou encore à de grosses araignées noires, blanches et rouges, super flippantes… On a cohabité … pas le choix.

Donc – aparté terminé- je panique complètement à l’idée de rester une heure, voire deux sans bouger du tout.
La première fois donc, j’avais déjà eu les instructions au préalable en français, et j’avais donc déjà conscience que sur les deux heures à venir, les choses se corsaient. Je me suis mise une pression incroyable, tout en essayant de rester équanime, de ne pas désirer ressentir de bonnes sensations ni avoir en aversion les douleurs parfois très fortes que je ressentais, le tout pendant près de deux heures… J’ai réussi à ne pas bouger du tout… J’ai fait l’expérience de ce qu’ils appellent le Bangha « la dissolution du corps ». Je ne savais pas encore ce que c’était ( on ne l’apprends que le 7 ème jour, dans le discours du soir).

C’était très perturbant, le moment le plus déstabilisant pour moi de ces 10 jours. C’est comme si toutes les douleurs avaient disparues, étaient disséqués, comme si je n’avais plus d’os, de muscles ni rien d’autre et que mon corps entier était un énorme champs de vibrations, de courant. Agréable et déstabilisant. Ma lèvre supérieure s’est ensuite mise en trembler ( ça a duré longtemps ) et je me suis mise à pleurer, sans savoir pourquoi ( ça aussi ça a duré longtemps).

Et puis je me suis sentie plus légère. Quelques jours plus tard, j’ai appris ce que cela signifiait.

Grâce à cette expérience ( que l’on ne doit ni attendre, ni désirer pour rester équanime ) j’ai pu me libérer de ce qu’ils appellent des SANKARA, des impuretés, des mémoires de souffrances accumulées au cours de notre vie et enfouies si profondément que le mental seul ne peut éradiquer. On ne sait pas de quoi exactement on s’est libéré, mais en vrai ce n’est pas grave. Car on se sent si léger, et plein d’amour et de compassion, et pas seulement d’un point de vue intellectuel ou mental.

Et donc les jours qui suivent, on nous rajoute des consignes, au fur et a mesure pour aller au plus profond les déloger, c’est douloureux, tout le corps à mal, et notre mental essaye de faire diversion lui aussi, mais si on applique la technique à la lettre, avec beaucoup d’efforts, on l’expérimente et on se déleste. J’en suis témoin.

Par moment, ça ne veut pas aussi, et il faut l’accepter. Ne pas s’énerver. Toujours rester équanime. En réalité, pendant 10 jours j’ai appris à regarder à l’intérieur, mais vraiment. Je pensais déjà le faire avant, et c’était vrai, mais seulement à un niveau superficiel. Désormais je sais que seule, je peux faire face à tout. Je sais quels outils utiliser pour gérer ce qui arrive et peut me déstabiliser, me submerger : la colère, la peur, la passion, la tristesse, sans fuir ou faire diversion… Je continuerai bien entendu de les ressentir, ces émotions, et fort heureusement, mais je sais désormais comment ne pas leur donner plus d’importance que je ne le devrais, je sais comment maitriser mon esprit, l’empêcher de nourrir de mauvaises choses et le faire regarder du bon côté.

Bien-sûr il y aura encore des moments de flippe, des coups de colère, des injustices qui me révolteront, mais ces émotions ne m’ébranleront plus comme elles l’on toujours fait, en bonne hypersensible que je suis.

Enfin, pour que la graine que j’ai planté donne les plus beaux des fruits comme elle a commencé à le faire, je dois continuer de l’arroser. C’est le travail seulement qui paye ici. Je vais donc essayer, comme c’est conseillé de méditer 1H chaque matin et 1H chaque soir. Mais attention, je méditais déjà chaque jour avant, désormais, je n’utiliserai plus de filtre ou d’image, de mantra pour aider mon esprit à se concentrer ( même si c’est beaucoup plus facile et confortable) car je sais que même si Vipassana n’est vraiment pas agréable, cela fonctionne. J’ai changé, quelque chose de profond a changé en moi, et je ne suis pas la seule à l’avoir remarqué. Demandez à mes proches 🙂

 

Retour à la vie normale :

Cette conclusion est cool ok, mais vous vous demandez surement comment les choses se terminent d’un point de vue technique. Le dernier jour, le 10, à partir de 10 heures, on nous rends nos effets personnels, téléphones compris. C’est aussi le moment où nous avons enfin le droit de nous parler. Quel bonheur d’entendre les voix des co-méditantes avec qui j’étais pendant tout ce temps. 


Nous étions 8 femmes et il y avait environ 15 hommes une fois les abandons des premiers jours enregistrés. J’étais d’ailleurs la seule étrangère, tous les autres méditants étaient indiens, principalement du Tamil-Nadu l’état où nous nous trouvions.

Les sourires sur les lèvres étaient si sincères et généreux, après ces moments si difficiles que nous avions vécus les unes avec les autres, pourtant si seules, nous savions enfin pourquoi nous nous sommes accrochés.
On se sent tellement léger à la fin de cette expérience.

Donc nous avons commencé à parler toutes ensemble, on s’est demandé nos prénoms, nos ressentis, c’était tellement intéressant d’entendre et de comprendre ce que les autres avaient vécu. L’une d’entre elle faisait là son 18ème vipassana !!!
Nous avons appris à nous connaitre et à rattraper tous les bavardages que nous n’avions pas eu durant ces 10 jours. L’ambiance était belle, chaleureuse. Nous avons passé une merveilleuse dernière journée, parsemée de nouvelles méditations, mais d’une autre technique « Meta Bavhana » : c’est comme un baume que l’on passe sur l’esprit. L’opération chirurgicale est terminée, le pue est sortie de la plaie, maintenant on se fait du bien.

Et puis il y a le grand retour du téléphone, ce lien avec le monde extérieur, celui duquel on a totalement vécu en marge pendant si longtemps. Une première.

Je savais qu’en rallumant mon téléphone j’aurai des centaines de notifications, mails, messages etc. Je savais aussi que si quelque chose de grave était arrivé à mes proches, j’aurai été prévenu par la direction du centre de méditation, que nos proches doivent contacter en cas d’urgence. Malgré tout, le moment de rallumer ce téléphone est quand même plein de sens et de questionnement.

J’avais décidé de n’appeler que mon chéri dans un premier temps, il était trop tôt de toute façon avec le décalage horaire pour appeler mes parents en France.

Il décroche, il trouve ma voix changé, calme, cela le déstabilise un peu. Je lui demande s’il va bien, ainsi que mes parents et mon frère il me réponds que oui. Je lui demande si « tout va bien sinon » ce à quoi il me réponds que « l’actualité mondiale à été très chargé » je pense évidement au Covid, il me demande alors si je veux en savoir plus…. Je ne sais pas vraiment quoi répondre, alors il me dit « nous sommes au bord de la troisième guerre mondiale ».

Je lui dit de s’arrêter là, le reste sera pour demain, je n’ai pas besoin d’en savoir plus, je reste équanime, c’est étrange, premier changement.

Je raccroche. Un peu plus tard au téléphone toujours, ma maman. Elle m’apprends qu’elle et mon père ont eu le COVID tous les deux, une bonne grosse grippe pour eux, elle m’apprends aussi le décès de Jean-Pierre Pernault. Quelqu’un que j’aimais beaucoup, quelqu’un qui m’a donné ma chance et qui m’a fait confiance, j’avais beaucoup de respect, d’admiration et de sympathie pour le journaliste et pour la personne qu’il était : authentique. Je ressens de la tristesse mais j’y réagis différemment, c’est surprenant. Les premiers effets sont déjà là.

Maintenant, c’est à moi de cultiver ce cadeau qui m’a été transmis pendant ces dix jours intenses, incroyables, hors du temps.
Je vous souhaite à tous d’avoir la chance de faire cette fabuleuse expérience, si cela vous donne envie, n’ayez pas peur, si je l’ai fait, vous pouvez le faire aussi !

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